Le journal de Newton

Je pensais qu'on ne pouvait aimer en aimant simplement, ne se préoccupant que de l'amour porté, de cet amour partagé. Je croyais que c'était cela, vivre d'amour et d'eau fraîche... Mais si c'était différent? si il y avait autre chose, quelque chose de plus subtile, de plus difficile? si l'amour n'était pas cet envol de deux âmes vers des lieux inconnus et merveilleux?

Depuis quelques jours, je réfléchis beaucoup à ça: SE LAISSER AIMER. Lorsque je pense à l'amour, je pense souvent à l'amour que je lui porte, mais l'amour n'est pas si facile... Je me rends compte grâce à elle que dans l'amour, il ne suffit pas d'aimer l'autre, mais il faut encore beaucoup plus, et c'est là que le bas blesse, comme on dit... Combien de fois devra-t-elle me dire: "Laisse-moi t'aimer"? Oui, c'est dur de se laisser aimer quand on se regarde soi-même, qu'on se dit qu'on pourrait être beaucoup mieux, que la perfection est possible mais qu'elle n'est pas en nous. C'est à ce moment-là qu'il faut apprendre à se laisser aimer, à écouter celle qui me dit qu'elle m'aime exactement comme je suis... Faut-il donc s'aimer soi-même pour goûter les joies de l'amour? Je pense que oui, qu'elle a raison de me demander de la laisser m'aimer. Heureusement, ces périodes de doutes ne sont pas une généralité... Il faut du courage pour s'accepter, il faut du courage pour accepter l'amour de l'autre, il faut de la force pour tout ça. Sans l'amour de soi, l'amour de l'autre n'est qu'un produit de l'égoïsme projeté, de la vision imparfaite d'une perfection désirée. Lorsque j'ai ces moments de doutes, ces moments difficiles, je me renferme sur moi, construisant une véritable forteresse autour de moi et plus rien ne peut me toucher. C'est une forteresse sans porte, sans fenêtre, une forteresse où il fait noir, mais elle sait qu'un simple cri peut la faire s'effondrer... Ce "laisse-moi t'aimer" qui résonne en moi comme un son à la fois douloureux et heureux. L'amour, c'est peut-être ça: un son douloureux et heureux??? Ce dont je suis sûr, c'est que ce son répété me fait revenir à elle, qu'elle m'approche de l'intérieur de cette forteresse où elle pénètre dans l'impénétrable pour le briser, pour libérer cette honte de l'imperfection et pour faire de cette imperfection le berceau d'une vie toujours nouvelle. Le chemin est long, il est difficile pour parvenir jusque là, et certainement qu'il n'est possible qu'à deux. Je ne connais pas encore toute cette route, mais je sais avec qui je veux la parcourir. L'amour est bel et bien cet envol de deux âmes vers des lieux inconnus et merveilleux, mais pas l'envol de deux âmes côte à côte... c'est l'envol de ces deux âmes ensemble...

Je ne veux pas croire en cet amour égoïste, je veux apprendre à m'aimer pour pouvoir l'aimer toujours plus. J'aimerais pouvoir l'aider à s'aimer elle-même comme elle me rappelle de m'aimer moi-même, car sur cette route-là, on n'est certainement jamais au bout du chemin. L'amour, c'est cet envol inimaginable de deux êtres allant ensemble vers un lieu inconnu mais merveilleux...

Apprendre à s'aimer soi-même, n'est-ce donc pas le plus difficile dans l'amour de l'autre?