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Le journal de Newton

Nul ne skie assez doucement pour glisser sans laisser de traces. (M. Heidegger, Introduction à la Métaphysique)


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Corps et esprit
--> Une théorie de Descartes

La question de la séparation (ou au moins de la distinction) du corps et de l'esprit est une question relativement récente (par rapport à l'histoire de la philosophie). Elle est introduite de manière systématique par René Descartes (1596-1650) et c'est surtout en cela qu'il est intéressant à traiter. Certes, avant lui on parlait déjà du corps et de l'esprit, mais c'était plutôt un donné que les deux existaient distinctement; Descartes, quant à lui, cherche à apporter un fondement philosophique à la quesiton. Pour ce qui est de sa théorie elle-même, il me semble qu'elle soit un peu déficient, bien qu'elle ne manque pas d'exemples pour l'appuyer. Cependant, il est parfois un peu contradictoire, comme le le montrerai un peu plus loin, ou du moins, si l'on préfère ne pas parler de contradiction (terme assez fort), nous devons au moins dire qu'il fait preuve de bien peu de rigueur logique, ce qui entraîne des erreurs dans son raisonnement.

Avant d'entammer à proprement parler de la question de la distinction entre les deux (traitée dans la sixième méditation), il faut faire un petit retour sur les cinq premières méditations métaphysiques. Dans la première méditation, il montre que nous pouvons révoquer en doute toutes les choses sensibles, ainsi que les donnés des sciences exactes ou même Dieu (même si le doute sur Dieu entraîne, selon lui, des conséquences importantes et en particulier que si Dieu n'exite pas, rien n'existe! Rappelons que Dieu est considéré comme le Créateur de tout, et donc, la conséquence semble inévitable!). Dans la deuxième méditation, il met en place un concept important, celui de la certitude: nous pouvons l'atteindre pour autant que nous ayons la conception claire et distincte d'une chose. La seule chose qui soit certaine, c'est le "je" parce que sans "je";, il n'y aurait même personne à tromper, et donc, le "je" existe, et il s'agit d'une chose qui pense (non corporelle!). Dans la troisième méditation, Descartes traite de l'existence de Dieu: il existe. L'argument est le suivant. Mon esprit a deux sortes d'idées, à savoir celles qui viennent des sens et celles qui viennent de la raison. Dieu ne peut pas m'être donné par les sens. Quand à la raison, elle ne pourrait pas me donner l'idée de Dieu si ce dernier n'existait pas, l'idée de Dieu est trop grande pour mon intellection... Donc, Dieu existe. L'erreur est liée au jugement, établit Descartes dans la quatrième méditation, distinguant le vrai du faux et cherchant pour chacun d'où il peut provenir. Dans la cinquième méditation, nous avons encore un élément important pour notre sujet, à savoir que ce que je connais clairement et distinctement est vrai (mais ma pensé n'impose pas de nécessité aux choses).

Nous pouvons maintenant entrer dans la question proprement dite de Descartes qui est double, de fait. La première est la question de l'existence réelle des choses matérielles (il a montré l'existence du "je" pensant, donc de l'esprit, dans la deuxième méditation). Tout d'abord, il faut distinguer entre imagination et pure intellection: on peut imaginer un triangle et le concevoir, mais on ne peut pas imaginer (c'est-à-dire voir dans sa tête) un polygone à 1000 côtés alors qu'on peut le concevoir. Les choses sensibles se donnent à moi de manière parfois indépendante de ma volonté (p. ex. quand j'ai mal au pied), et ce n'est pas sans raison que je crois sentir que j'ai mal. Descartes propose encore un deuxième argument en faveur de l'existence des choses sensibles. Il s'agit de dire que la substance qui provoque en moi une douleur, par exemple, peut être de deux sortes, à savoir elle est un corps ou elle est Dieu. Cependant, nous savons (et Descartes le dit souvent) que nos sens peuvent nous tromper et nous trompent régulièrement. Or, il est un fait que Dieu ne peut pas être trompeur (cela fait partie de la définition de Dieu). Donc, la conclusion est que la substance en question est un corps. Donc, les choses corporelles existent.

Faisons un deuxième pas, un peu plus compliqué (car il comporte de fait une erreur logique). Selon Descartes, tout ce que je conçois clairement et distinctement peut être produit par Dieu: il suffit que je puisse concevoir clairement et distinctement quelque chose sans une autre pour être certain qu'elle peuvent être posées distinctement par la toute-puissance divine. (L'importance donnée à la création par Dieu n'est pas vraiment essentielle à l'argument, il s'agit d'un donné plutôt culturel; on pourrait simplement dire que si l'on peut concevoir clairement et distinctement quelque chose sans une autre, elles peuvent être posées comme distinctes.) Donc, deux substances qui peuvent être distinguées peuvent exister l'une sans l'autre. Mon âme (en tant que chose pensante non étendue) peut être distinguée de mon corps (en tant que chose non pensante étendue), les deux sont donc entièrement et véritablement distincts (l'âme peut exister sans le corps).

Cepdendant, nous constatons ici un problème sérieux au niveau logique: Descartes pose comme donné de base que tout ce que je conçois clairement et distinctement peut être ainsi. Il s'agit là d'une possibilité et non d'un donné effectif ou actuel! Il PEUT en être ainsi, mais il n'en est pas ainsi nécessairement. Si un médecin établit qu'un enfant peut venir au monde tel jour, il n'est pas nécessaire pour autant que l'enfant vienne au monde en ce jour précis: il ne s'agit là que d'une possibilité!

Cessons ici la critique de Descartes et revenons-en à la distinction corps-esprit. Le corps et l'esprit (= l'âme) sont distincts parce que le "je" est une chose pensante non étendue, tandis que le corps est établi comme une chose étendue mais non pensante: le corps est divisible tandis que l'esprit est indivisible. Les deux, du corps et de l'esprit, ont une existence distincte parce que nous pouvons les concevoir clairement et distinctement, l'un sans l'autre.

Toutefois, bien que le corps et l'esprit soient distincts, ils sont liés, et intimement liés. Le "je" n'est pas dans le même rapport au corps que n'est un navigateur dans son bateau. Nous avons entre le corps et l'esprit un double lien. Le premier lien est le "je": je suis en effet à la fois mon corps et mon esprit (ce n'est pas comme le navigateur et son vaisseau!). En deuxième lieu, mon cerveau est un lien entre mon esprit et mon corps, ce qui permet une interaction entre les deux. Descartes donne l'exemple d'un nerf allant du pied au cerveau. Lorsque je me blesse au pied, cela cause en mon esprit un certain sentiment (la douleur, en l'occurence). Ce n'est pas le corps qui peut éprouver un sentiment, mais bien l'esprit. Il faut donc un lien entre le corps et l'esprit, et ce lien se fait par le système nerveux et en particulier par le cerveau. Pour la petite histoire, Descartes pensait que le lieu précis de ce lien dans le cerveau se situait au niveau de la glande pinéale.

Malgré quelques problèmes que j'ai soulignés, la question de Descartes a le très grand mérite d'avoir lancé le débat autour du rapport entre corps et esprit. C'est en quelque sorte à lui que nous devons les grandes théories de la philosophie de l'esprit. Et la question n'est de loin pas résolue, je vous en ai déjà montré quelque chose dans un précédent article sur la subjectivité et l'objectivité. Les théories ont beaucoup évolué, certes, mais la problématique reste la même!

Article de newton, à 16:28 dans la rubrique "Philosophie".
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Les réactions à cet article :

 
newton
newton
21-10-04
à 15:31

Descartes, pas si bête?

En révisant encore Descartes, il m'a semblé que ce n'était pas très cohérent de le rejeter dans le monde des gens qui manquent de sens critique vis-à-vis de leurs déductions logiques... Je me suis donc demandé ce qui ne jouait pas dans ma compréhension de Descartes, et je crois que je viens de trouver!!! De fait, il faut chercher la solution à l'énigme de la sixième méditation dans la cinquième...

Le problème que je soulevais était en particulier celui de la différence entre possibilité et effectivité de la différence entre corps et esprit. Cependant, il faut noter que Descartes ne parle que d'une distinction (et de rien d'autre!). Il s'agit donc de distinguer l'esprit du corps. Cependant, distinction ne veut pas dire séparation: l'esprit est distinct du corps, mais peut ne pas en être séparé... Il faut donc faire la différence entre distinction et séparation. Ce texte de la sixième méditation métaphysique ne nous parle pas d'un esprit hors du corps, il dit seulement que l'esprit est inétendu (contrairement au corps), qu'il est une chose pensante (contrairement au corps encore). Sur ces données, pouvons-nous donc imaginer que Thomas Nagel (dont j'ai parlé dans un article précédent, titré La subjectivité est-elle objective?) puisse être d'accord avec Descartes? Il me semble que oui, car Descartes ne fait pas de l'esprit, du moins dans ce texte, une chose qui soit une entité séparée du corps, elle pourrait très bien être le donné subjectif de l'expérience, me semble-t-il. On peut comprendre ceci d'après deux choses que dit Descartes, à savoir que notre pensée n'impose aucune nécessité aux choses (c'est-à-dire que ce n'est pas parce que je pense que deux choses sont distinctes qu'elles sont séparées de fait!). Un deuxième élément se situe à la fin de la méditation sixième où Descartes parle du lien entre corps et esprit. Le lien est double, à savoir au niveau du je, puisque je suis à la fois mon corps et mon esprit et ensuite au niveau du cerveau qui permet une interaction des deux. Ceci fait que nous pourrions accorder une théorie physicaliste (=tout est physique) du double aspect, comme le propose Thomas Nagel. Cette dernière théorie propose que deux aspects peuvent être attachés au même objet, à savoir en l'occurence le cerveau. Nous aurions ainsi le subjectif qui est un aspect du cerveau (=l'esprit) et l'objectif, le côté physique qui est un autre aspect du cerveau (=le corps) et ainsi, le cerveau permet une interaction, un lien entre corps et esprit...

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