Le journal de Newton

Hier fut une longue journée. Nous avons tout d'abord commencé par finir de paqueter nos affaires (plusieurs sacs à dos et autres sacs) et sommes partis prendre notre déjeuner en ville. Nous faisons ça de temps en temps (très rarement), juste pour nous faire plaisir... Puis l'heure du rendez-vous est arrivée, une journée avec des copines pour elle, avec des copains pour moi. Et là, cette belle journée est devenue un repère de solitude; ça faisait très longtemps que je n'avais pas ressenti ce sentiment...

Nous sommes donc partis, chacun de notre côté, puis les activités se sont succédées. De mon côté, nous étions entre 5 et 7 selon les moments. De midi à 17h30, en gros, nous n'avons fait que de prendre des photos d'un de nos copains qui va très bientôt se marier. Nous lui avons fait faire plein de choses, le but étant de passer une journée sympa. Personnellement, je déteste ce genre de choses et je suis bien heureux de ne pas avoir eu droit à ces réjouissances... Bref, durant toute la journée, aucune discussion, juste des photos. J'avais un peu l'impression de vivre ce que vit le personnage de Tsuji dans "Objectif": il ne peut avoir de contact avec les gens que par l'objectif de son appareil photographique, n'arrivant pas à établir une vraie relation avec quelqu'un sans passer par son objectif, c'est plus fort que lui. Hier, nous avons donc passé près de 6 heures ensemble, sans discuter à un seul moment d'autre chose que de ce que devait faire notre ami. Pour le reste, aucune discussion... Je me suis senti un peu seul, puis seul et de plus en plus seul... Que dire d'une telle journée? Quel souvenir garder? Des photos...

A partir du soir, le groupe s'est agrandi pour les grillades. Là, évidemment, l'espoir d'une soirée sympa et agréable se faisait sentir très fort, mais la désillusion pointa bientôt le bout de son nez. A nouveau, quelques mots inutiles échangés "quelqu'un veut ceci?" "c'est super bon!" "oui volontiers" "non merci"... Pas de véritable discussion. Seul. Durant cette soirée, je me suis senti encore plus seul, mis à part à un moment où je suis parti un peu à l'écart, seul. Un ami m'a rejoint "dans ma méditation", m'a-t-il dit. Nous avons refait le monde, puis une fille nous a rejoint et nous avons continuer à refaire le monde. Je ne sais pas combien de temps ça a pu durer, mais c'était un moment trop court. La suite se passa comme la plus grande partie de la soirée. J'ai replongé dans cette solitude douloureuse...

La solitude, finalement, ce n'est pas d'être physiquement seul: les moments vécus à l'écart du groupe n'étaient pas des moments de solitude, mais plutôt des moments de "méditation" comme me l'a gentiment fait remarquer cet ami. Au soir, regarder s'éteindre la nature pour une nuit de repos et de fraicheur. C'est bien plutôt un moment de plénitude où il est possible de se dire que le monde est beau, que la chance n'est pas loin... La solitude, c'est bien plutôt lorsqu'au milieu d'un groupe personne ne vous adresse la parole, mis à part pour demander "ça va?" "tu me passes le pain?" "tu peux te déplacer?". La solitude, c'est lorsqu'une activité ensemble n'aurait vu aucune différence sans celui qui est seul: il ne fait simplement pas partie du groupe. Je ne suis pas très doué pour m'intégrer, c'est vrai... La solitude qui pèse n'appaise pas le coeur de celui qui la porte. Au terme de cette journée, je pensais être un homme seul. Retrouvant mon épouse, elle m'a aidé à laisser cette solitude dans un tiroir, à partager avec elle, mais ce n'est pas facile; c'est un peu comme poser un sac très lourd à terre: une fois posé, il est encore plus dur à reprendre sur les épaules... Journée pas facile. Journée seul.