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Le journal de Newton

Le vocabulaire est un riche pâturage de mots. (Homère, Illiade)


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La ballade de l'impossible
--> Un livre de H. Murakami, revu...
Durant quelques heures, je me suis plongé dans un livre assez incroyable... D'une simple histoire d'amitié quasi amoureuse, d'un amour impossible, le livre devient une histoire étrange et captivante laissant la place au mystère qui emplit tous les romans de Haruki Murakami (du moins ceux que j'ai lus).  J'aimerais aujourd'hui revenir un peu sur cette lecture, sur quelques éléments qui m'ont marqués...

Avant cela, je vous mets, pour vous situer un peu, l'histoire telle qu'elle est présentée au dos du livre:
Etudiant à Tokyo, Watanabe retrouve par hasard une amie d'enfance, Naoko. Ils ont un douloureux souvenir commun: lorsqu'ils étaient lycéens, Kizuki, petit ami de Naoko et ami de Watanabe, s'est suicidé. Naoko, perturbée par ce drame, part bientôt dans un centre de repos. Watanabe est amoureux d'elle, mais leur relation ne peut s'épanouir. Parallèlement, il devient ami avec Midori, une étudiante fantasque qui a aussi été confrontée à la mort, celle de ses parents...
Cet ample roman d'apprentissage, placé sous le parrainage de Salinger et Fitzgerald, a des résonances envoûtantes: le héros doit rencontrer la souffrance, la folie et la mort pour accéder à une liberté lucide, sans avoir abdiqué sa quête du pur amour. Une immense tendresse, un charme poétique se dégagent de ce roman pourtant chargé d'une intensité érotique saisissante.

Je trouve ce résumé un peu trop "vendeur", il me semble qu'il ne rend pas tout à fait la lecture que j'ai faite de ce livre, surtout le deuxième paragraphe de cette présentation. En fait, Watanabe n'est en rien un héros, il est un homme un peu étrange, à la limite apathique par moments. Il est un homme qui est en recherche de l'amour certes, mais qui se heurte à de nombreuses et diverses difficultés dont la maladie psychique de Naoko et son amour grandissant pour Midori. Il est un homme avec le coeur sur la main, mais qui parfois ferme la main et enferme son coeur en lui, ne voyant plus rien autour de lui. Bref, il est un homme assez commun qui ne mériterait pas de prendre la première place d'un roman. Pourtant, H. Murakami en a fait un personnage assez hors du commun, mettant en relief toute l'ampleur de cet homme si ordinaire... Je ne suis pas sûr non plus qu'il accède à une liberté lucide, et je ne sais, à la fin du roman, où est le rêve et où est la réalité: je ne peux dire si Watanabe est mort, s'il s'est suicidé comme Naoko et Kizuki, je ne peux dire s'il est vivant et si le roman se termine par un coup de fil réel entre Watanabe et Midori... Voilà un peu l'essentiel de ce roman saisissant et qui vaut la peine d'être lu... J'aimerais maintenant parler un peu de ce livre, tel que je l'ai lu...

L'établissement où arrive Naoko est très éloigné, dans les montagnes, et il faut presque une demi-journée à Watanabe pour y aller... En même temps, il est très proche de Midori qui trouve en lui une personne à qui parler, une épaule sur laquelle s'appuyer. Elle en a bien besoin, ayant perdu sa mère deux ans plus tôt et son père étant mourant. Naoko et Midori sont des filles un peu étranges, l'une étant très "réservée" et sachant parfois faire preuve d'une grande audace, la seconde plus téméraire, et tentant ainsi de cacher un peu son jeu. Watanabe va par deux fois passer quelques jours dans la pension de Naoko et ils sont sans cesse "surveillés" par une autre femme, Reiko. C'est comme si rien ne se passait, comme si tout était très intérieur, comme si les choses prenaient une dimension quasi surnaturelle... La relation de Watanabe avec Midori est quant à elle bien terre à terre, ils sont deux amis, même si Midori tombe bientôt amoureuse de Watanabe. Il ne se passe d'ailleurs rien entre eux, si ce n'est parfois quelques baisers. Ce qui m'a frappé dans ce livre, c'est que cet homme ordinaire est toujours très disponible, très ouvert à écouter, à aider, à soutenir. Mais au fur et à mesure du roman, on se rends compte que cela ne compte pas pour lui; en fait, rien ne compte à ses yeux: "je n'avais rien d'autre à faire" dit-il très souvent. Il est presque un homme purement superficiel, mais pourtant, il cache autre chose, quelque chose qu'il n'ose pas montrer, qu'il n'ose pas donner, quelque chose d'intérieur. C'est cette chambre qu'il gardait pour Naoko, cette pièce immense de son coeur qu'il ne pouvait pas donner à une autre femme. Pourtant, Naoko est morte, et avec elle est mort l'amour pour Midori. Il est comme sans raison de vivre, ne sachant plus où chercher celle qui ouvrira les volets de cette pièce. Naoko est morte et elle a emporté avec elle Watanabe sans que lui-même ne s'en rende compte... Watanabe est entre la mort et la vie, mais nul ne sait de quel côté il se trouve. La distance d'avec Naoko vivante l'avait rapproché de Midori, la distance d'avec Naoko morte l'avait enlevé à Midori...

Par moment, je crois que je me reconnaissais en ce personnage bien ordinaire qu'est Watanabe. Dans ma vie d'avant, j'écoutais beaucoup, j'aidais certainement beaucoup, mais ce n'était qu'une façade. J'ai rencontré quelqu'un qui m'a permis de m'ouvrir réellement, d'accepter cette pièce que je lui réservais sans même le savoir. C'est là la grande différence d'avec Watanabe: lui connaissais cette pièce et ne demandais qu'à la voir habitée, moi, je l'avais enfouie au fond d'un puit, au milieu de la nuit, jusqu'à en oublier presque l'existence... Elle m'a permis d'ouvrir les volets de cette pièce merveilleuse et notre histoire est si heureuse, si incroyable. De la ballade de l'impossible qu'elle était au début, elle est devenue la ballade des vacances au bord du ciel, sur le sommet d'un petit nuage rien qu'à nous où poussent le bonheur, la paix et l'amour...

J'aimerais juste mettre encore un petit passage qui m'a beaucoup plu, lorsque Watanabe réconforte et aide Midori à s'endormir:
- Je t'aime beaucoup, tu sais, Midori.
- Comment ça, beaucoup?
- Je t'aime comme un ours au printemps.
- Un ours au printemps? (Midori leva encore une fois la tête.) Qu'est-ce que tu veux dire en parlant d'ours au printemps?
- Eh bien, tu marches toute seule dans une prairie au printemps, et tu vois arriver en face de toi un joli petit ours avec une fourrure douce comme du velours et des petits yeux ronds. Et il te propose de rouler dans l'herbe avec lui. Alors, vous vous amusez toute la journée dans le trèfle à flanc de colline, dans les bras l'un de l'autre. C'est chouette, non?
- Très chouette.
- Eh bien, c'est comme ça que je t'aime.
Article de newton, à 16:52 dans la rubrique "Histoires vivantes".
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