Le journal de Newton

Par moment, j'ai envie de tout arrêter. Non, pas seulement les futilités auxquelles nous tenons. Non, pas seulement ces choses nécessaires sans lesquelles nous ne pourrions pas vivre. Non, pas seulement non plus ce qui fait que nous pouvons vivre dans une plus grande douceur occidentale. Un simple mot: tout. Si on préfère, on peut aussi dire: rien.

Qu'est-ce que le tout? Qu'est-ce que le rien? Ce sont là de bien grandes questions, mais j'aimerais me poser la question de savoir ce qui fait le lien entre ces deux "ensembles", celui du tout et celui du rien. Mais qu'ont-ils donc en commun? Un philosophe de la première moitié du 20e siècle, Wittgenstein, met les deux notions dans un rapport étroit, c'est de fait la même chose (ou presque). Ce sont les limites de l'existence parce que nous devons nécessairement n'être ni rien ni tout, sans quoi nous ne pourrions exister en tant que nous-mêmes, différencié des autres. Le rien, c'est la contradiction, l'être et le non-être mis ensemble. Le tout, c'est la tautologie, la proposition toujours vraie, l'être ou le non-être posés alternativement. Mais que sommes-nous au juste? Il nous semble habituellement que nous faisons partie de l'être (et non du non-être). Cependant, le rien n'est pas loin de nous, tandis que le tout est extrêmement distant de l'homme. Nous venons du rien. Je ne parle pas au sens biologique, parce que nous venons tous de quelque part, biologiquement parlant (en principe, de la fécondation d'un ovule par un spermatozoïde). L'orgine de l'humanité est le rien. Il est certainement assez difficile de le comprendre cette origine. Habituellement, on pense que du tout peut venir n'importe quoi, mais en fait, du tout ne peut rien provenir au contraire du rien. Je m'explique. Le rien laisse libre le champ à la création, à ce qui ne lui ressemble absolument pas; au contraire, le tout prend la place entière, elle ne laisse aucun espace à l'avénement de quelque chose de nouveau.

Cette réflexion ne concerne certainement qu'une matière première et non pas une matière formée à partir d'une matière antérieure (par exemple une statue à partir d'un bloc de pierre), il s'agit de l'origine première de l'être. Ainsi, l'existence n'est ni le rien, ni le tout, elle se situe entre les deux, elle est le troisième terme qui permet que le tout et le rien ne se ressemblent que parce qu'ils sont les deux limites de l'être.