Le journal de Newton

Ces derniers jours, je me pose pas mal de question sur les circonstances actuelles, sur ce qui se passe autour de moi... Je me rends compte de diverses difficultés qui ne sont pas du tout évidentes à gérer. Je réfléchis et j'aimerais bien trouver une solution envisageable pour ceux qui en ont besoin, moi le premier...

La distance qui nous sépare depuis deux mois et demi est difficile. Elle n'est pas facile à supporter d'abord parce qu'on se retrouve seul, chacun séparé de l'autre, ensuite parce que plusieurs conséquences suivent de là. La première de ces conséquence est l'impossibilité de communiquer autrement que par des mots, et je trouve cela déjà très difficile, mais ce n'est certainement pas le moins facile à accepter. Nous nous retrouvons également face à une impuissance totale face à l'autre: il devient absolument impossible (du moins apparemment) de donner le moindre coup de main concret, la seule chose que nous pouvons faire est de discuter, de proposer des mots à l'autre, tant par messagerie instantanée que par courriel ou encore par lettre. Mais finalement, la vie de l'autre ne dépend plus que de lui et toutes les illusions que nous nous faisions auparavant en vivant avec cette personne se défont: je n'ai aucun moyen de l'aider si elle n'accepte pas mon aide, si elle ne considère pas ce que je lui dit, c'est à l'autre que revient le choix entier de ce qu'il va faire ou ne pas faire... C'est très douloureux parce que dans ces moments-là, on se sent complètement impuissant alors qu'on sent que l'autre a besoin d'aide et que nous sommes parmi les mieux placés pour lui apporter cette aide. Ce n'est vraiment pas évident à gérer, à accepter. Que faire? Comment faire pour bien faire?

Je me suis beaucoup posé ces questions, et je me les pose encore énormément, je pense, comme beaucoup d'entre nous... Cependant, il me semble fondamentalement que ces questions sont fausses et ne sont pas les bonnes. La constatation de l'impuissance n'est certainement pas limitée à des situations où nous sommes séparés par des centaines de kilomètres; au contraire, elle s'étend certainement (bien que moins visiblement) à toutes les situations, ou presque. Même en vivant sous le même toit que quelqu'un, je ne peux rien faire pour l'aider sans qu'il ne le veuille, je ne peux rien faire pour le soutenir, sans qu'il n'accepte ce soutien... Cependant, on a souvent l'impression de pouvoir proposer plus activement des solutions lorsqu'on est à côté. La distance permet de voir l'impuissance, elle permet de nous montrer qu'il faut lâcher prise (même si de fait, nous n'avons aucune prise!). Au lieu des questions que nous nous posons si souvent "Que faire? Comment faire pour bien faire?", ne devrions-nous pas changer d'optique et nous demander comment ETRE étant donnée une situation? Arrêtons de faire et commençons à être, c'est là mon programme, même s'il n'est absolument pas évident à tenir... Il me semble que savoir être est bien plus difficile, mais aussi bien plus réel que faire... Dans la situation que je décrivais précédemment, il est clair qu'il est absolument impossible de faire quoi que ce soit, au sens propre du terme, mais par contre, il est possible d'être, d'entretenir une relation vraie et sincère, malgré la distance. Je reste persuadé que cet être peut aider l'autre dans de nombreuses situations, même s'il ne s'agit pas de la même aide que lorsqu'on porte le panier des courses d'une personne âgée... Il s'agit d'une aide qui est une présence. L'autre sait qu'il y a, quelque part dans le monde ou en dehors du monde, une personne qui EST là pour elle, qu'il y a un soutien moral et spirituel, bien plus proche que ce que la distance peut suggérer...

Je vous ai livré ici quelques réflexions qui sont pour moi difficiles à mettre en pratique, mais auxquelles je veux croire comme à un idéal à atteindre impérativement. La difficulté est bien présente, mais elle est surmontable et j'ai vécu une expérience formidable ce matin où j'ai vu que être est beaucoup plus fort que faire... Merci à toi avec qui j'ai vécu cela...