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Comme je vous l'avais annoncé après mon examen écrit de philosophie moderne et contemporaine, j'aimerais vous proposer une petite réflexion sur la vision du monde de Franz Brentano. Il s'agissait d'une des trois questions à choix de l'examen écrit, et je devrai encore traiter le sujet pour mon dernier oral... La question était formulée ainsi: Présentez la différence entre les phénomènes physiques et les phénomènes psychiques chez Franz Brentano. Demandez-vous, à la lumière de cette distinction, si l'épistémologie de Brentano est celle d'un réaliste direct, d'un réaliste indirect ou bien d'un antiréaliste. La question est très bien formulée et va me permettre de vous présenter toute la partie que je dois préparer pour mon oral.
Dans un premier temps, il faut donc poser précisément ce que sont les phénomènes psychiques et ce que sont les phénomènes physiques. Avant cela, il faut préciser que Brentano ne s'occupe pas du monde en tant que tel, mais du monde tel qu'il nous apparaît! Il s'agit de notre perception du monde. A l'instar de Brentano, commençons par définir le phénomène psychique. Tout d'abord, il faut savoir que tout phénomène psychique est une représentation ou quelque chose reposant sur une représentation. Prenons un exemple: une douleur n'est pas un phénomène physique car il s'agit de la représentation d'un élément étranger ou dérangeant; la douleur est un phénomène psychique reposant sur un phénomène physique. Cependant, passons à un élément plus important, à savoir ce que Brentano appelle l'inexistence intentionnelle. Le terme d'inexistence est à comprendre comme existence à l'intérieur (le "in" latin!) et cette inexistence est toujours intentionnelle. Il s'agit donc toujours d'une représentation intentionnelle! De plus, le phénomène psychique est en principe inétendu et est l'objet exclusif de la perception intéreieure (la perception est toujours intentionnelle). Il faut encore ajouter qu'il est un, c'est-à-dire unifié et qu'il est le seul à avoir une existence véritable (nous y reviendrons).
Qu'est-ce maintenant qu'un phénomène physique? Donnons d'abord quelques exemples: la couleur que je vois, le son que j'entends, l'odeur que je sens, l'objet que je touche. Ce qui caractérise un phénomène physique est qu'il est toujours étendu et localisé de manière spatio-temporelle. Ceci est insuffisant, parce que certains phénomènes physiques sont inétendus (comme les couleurs) et certains phénomènes psychiques sont étendus (comme la perception qui, selon Aristote, est un acte des organes sensoriels). Il faut donc autre chose... Le phénomène physique peut être multiple contrairement au phénomène psychique qui est unifié (à cause de l'unité de la conscience). De fait, le phénomène physique est plutôt défini négativement, c'est-à-dire comme ce qui n'est pas un phénomène psychique... Il ne faut pas oublier que le monde envisagé par Brentano, c'est-à-dire le monde tel qu'il nous apparaît, se compose exclusivement de phénomènes. Il faut toutefois souligner le fait que Brentano est bien conscient que ce n'est pas parce qu'une couleur ne nous apparaît pas qu'elle n'existe pas dans le monde: elle pourrait exister sans nous apparaître...
Passons maintenant à la seconde partie de la question: Brentano est-il réaliste direct, indirect ou antiréaliste dans son épistémologie? Commençons par définir en quelques mots ce que sont ces classifications. Dans le cadre d'une épistémologie, le réaliste direct est celui qui pense que les objets du monde sont les objets réels de notre perception; le réaliste indirect insère entre les objets du monde et les objets de notre perception un intermédiaire; enfin, l'antiréaliste serait plutôt celui qui pense que nous ne percevons pas le monde, mais que nous construisons le monde qui nous entoure par notre intellect.
Mais alors, dans quelle catégorie pouvons-nous ranger l'épistémologie de Franz Brentano? Reprenons ici son étude sur les objets réels et les objets fictifs, ceci nous aidera de manière certaine. Lorsque nous parlons du lever du soleil, il s'agit d'un sens impropre: le soleil ne se lève pas à proprement parler. C'est ainsi également que nous devons entendre le terme d'inexistence intentionnelle. Lorsque nous parlons de l'inexistence intentionnelle d'un objet dans un phénomène psychique, ceci est à entendre dans un sens impropre. Mais alors, comment donc considérer cet objet que nous percevons? Il faut d'abord passer par la notion de jugement. L'approbation d'un jugement est le jugement vrai: la vérité ne porte que dans celui qui juge. Nous avons ici une première réponse à notre question: Brentano n'est pas un réaliste (sinon, la vérité porterait hors du sujet jugeant). Nous devons distinguer deux sortes d'objets, à savoir les objets en mode droit et les objets en mode oblique. Les premiers sont les sujets qui jugent (qui affirment ou nient), tandis que les seconds sont ce qui est affirmé ou nié. Les objets, tant en mode droit qu'en mode oblique, sont des choses réelles, mais seuls les objets en mode droit sont des objets réels. Ce qui explique que les objets en mode oblique sont aussi des choses réelles est que pour toute proposition contenant des objets en mode oblique, il existe, selon Brentano, une proposition dont les parties sont des objets en mode droit. Il y a donc un rapport au monde concret! et donc, Brentano n'est pas un antiréaliste. Nous en arrivons donc à la conclusion que l'épistémologie de Brentano est celle d'un réaliste indirect! J'aimerais encore expliquer brièvement pourquoi nous pouvons dire qu'il s'agit d'un réaliste indirect de manière postive. Il s'agit d'une connaissance du monde qui ne porte que dans le sujet jugeant, c'est-à-dire que nous ne pouvons avoir accès à un objet que pour autant qu'il y ait une perception intentionnelle. Le corps intermédiaire entre l'objet concret dans le monde et l'objet de notre connaissance est le sujet jugeant. De plus, il faut rappeler que des choses peuvent exister sans nous apparaître (remarque que fait Brentano en parlant des phénomènes physiques). Donc, nous pouvons dire que Brentano fait une épistémologie réaliste indirecte.
Voilà donc une petite présentation de notre rapport au monde, selon Franz Brentano, philosophe de la fin du 19e siècle, début du 20e (il est mort en 1917, me semble-t-il). C'est une conception très intéressante parce qu'elle permet de considérer à la fois les choses du monde concret sans toutefois dépasser les limites de notre connaissance qui ne peut pas porter plus loin que ce qui nous apparaît (d'où les progrès de la science). Comme chez Descartes, notre connaissance n'impose aucune nécessité aux choses; de même, les choses ne se présentent pas nécessairement à nous! (L'Australie existait bien avant que les Occidentaux la découvrent! Le monde existait bien avant qu'il y ait quelqu'un pour le connaître...)
Je reviendrai la semaine prochaine pour faire une présentation d'une autre vision du monde, celle de Ludwig Wittgenstein dans son Tractatus Logico-philosophicus, une vision très intéressante aussi, mais elle sera plutôt liée au langage...