Le journal de Newton

Je suis prêt à prendre les transports en commun, je profite de ces quelques minutes qu'il me reste pour faire un petit passage par ici et laisser quelque trace... J'aime beaucoup ce moment, le matin, lorsque je suis réveillé et qu'elle dort encore... Oui, j'aime beaucoup ce moment, car, malgré les apparences, c'est un moment de complicité intense: je pense à elle, elle rêve de moi, nous sommes tout proches l'un de l'autre. Je lui écris un mot d'amour avec des mots qui ne veulent apparemment rien dire, des mots que je lui ai déjà répété mille fois, mais que mon coeur a envie de crier sans cesse...

Cette écriture me fait penser à cette petite histoire de Orsenna, La grammaire est une chanson douce. Il y a un passage où Jeanne (l'un des principaux personnage du livre) découvre avec tristesse que le mot "AIMER" est à l'hopital des mots, il doit être réparé car il est en bien piètre état à force d'être utilisé à toutes les sauces, si je puis dire, et surtout mal utilisé... Ce que décrit Orsenna donne une autre dimension aux mots, il leur donne vie par son écrit, ils deviennent vivant sous vos yeux, ils se mettent à bouger... Non, pas seulement dans l'histoire, mais aussi dans votre tête, sous vos yeux, ils deviennent réellement différents, très différents! C'est tellement magnifique!

J'aimerais conclure en commentant un peu de manière personnelle la citation que j'ai mise tout dernièrement en haut à gauche de ce journal: "Je tendais l'oreille: j'aurais tant voulu surprendre leurs rêves. J'aimerais tellement savoir ce qui se passe dans la tête des mots." Lorsque je disais que les mots que je lui dis sont des mots qui ne veulent rien dire, ce n'était pas tout à fait correct. Les mots sont pleins de sens, et lorsqu'ils prennent vie sous nos doigts, ils deviennent porteurs de tant de choses, ils apportent à un autre (ou à soi-même) un message qui donne un peu de la personne de leur auteur. Imaginez la mission qui leur est confiée déjà depuis des millénaires. Pensez donc, en relisant des textes anciens, que ce que ces mots apportent est toujours nouveaux depuis des siècles et des siècles. Les mots ont une vie: elle commence lorsqu'on les écrit, mais on ne sait pas quand elle finira... Les mots prennent leur indépendance, en quelque sorte...