Le journal de Newton

Avez-vous déjà regardé une fleur? C'est sans doute une question bête... Mais je ne veux pas dire seulement voir une fleur, mais la regarder... Regarder prend du temps, cela nécessite un contact réellement profond et pas seulement visuel. Regarder, c'est se confier, c'est écouter, c'est sentir, c'est ne former plus qu'un dans notre esprit avec celui ou celle qui est regardée. Regarder, c'est entrer dans un autre monde, une autre dimension de notre espace. Regarder un détail, regarder une fleur, regarder une pierre, regarder une rivière, regarder un arbre, regarder une amie, regarder celle qui deviendra mon épouse. Regarder.

Depuis quelques jours, je réfléchis sur le regard. Il est tellement important. J'ai envie de regarder, de contempler cette petite fleur au creu de mes mains. Je la tiens doucement, avec tendresse. Elle est simplement posée là, mais ne pèse rien, elle est comme en apesenteur. Est-elle réelle, ne l'est-elle pas? Pourrais-je vraiment la regarder si elle n'existait pas? Elle est là, je la vois, je la sens, je la regarde. Cette petite fleur est magnifique, elle me montre ses pétales, chaque détail de son être tout en gardant une part de mystère que je ne sonderai jamais. Je ne veux agir qu'avec douceur envers toi, petite fleur qui paraît si fragile. Je sais bien que tu es forte, que tu as résisté à des épreuves douloureuses. Petite fleur, tu es là dans mes mains, tu glisses entre mes doigts, joues avec mes paumes. Tu ris, petite fleur. J'aime te regarder rire, te regarder sourire. Une joie indicible emplit mon coeur lorsque tu es là, au creu de mes mains. Tes pétales rouges m'appellent, je m'approche. Ils sont là, frêles et inattaquables. J'ai envie de me rapprocher encore, de les adopter, de les faire mien, de me faire toi, de te faire moi, de n'être plus qu'un pour pouvoir faire grandir ces différences qui nous unissent. Plus je te regarde, petite fleur, plus je suis admiratif, plus je m'unis à toi dans cet élan qui nous rapproche sans cesse.

Tiens, écoute avec moi, petite fleur, écoute cet écho lointain qui se rapproche. C'est l'écho d'un cri que nous avions lancé ensemble lorsque nous nous étions regardé lorsque tout était impossible. Aujourd'hui, l'écho se rapproche. Il est perceptible, comme s'il était appréhensible. La joie emplit-elle ton coeur? Le mien déborde... Petite fleur, cet écho est le nôtre et bientôt, ce cri impossible lancé autrefois reviendra vers nous. Regarde avec moi, droit devant! Il est là, ce cri lancé, au coeur d'un buisson de fleurs sauvages, au coeur de ce buisson de rhododendrons perché sur cette falaise, comme en apesenteur. Il semblait inaccessible et le voilà, droit devant nous, magnifique. Il fait pleurer de joie, il fait sourire les uns et fait rêver les autres. Ce cri lancé, petite fleur, a trouvé sa place alors qu'il ne savait où se poser, où aller. Il était perdu et a trouvé sa place. Je veux plonger dans ce buisson avec toi, y vivre malgré les épines ou les échines qu'il pourrait y avoir.

Petite fleur, si les fleurs qui bordent les chemins se fanaient toutes demain, je te regarderais encore et toujours au creu de mes mains, comme au premier jour, comme au dernier jour. Petite fleur, si les fleurs qui bordent les chemins se fanaient toutes demain, dans mon coeur tu resterais à jamais cette fleur qui jamais ne fanera. Pour toujours tu seras la petite fleur que garde précieusement au creu de mes mains, au coeur de ma vie.